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Carte de la Syrie
 
Les divisions de la rébellion menacent le soulèvement en Syrie

Reuters, le 27 avril 2012

ANTIOCHE, Turquie - Vêtus de jeans en lambeaux et fumant en silence leurs cigarettes devant des coupes de glace, Moustafa et ses trois hommes ne paraissent pas vraiment à leur place dans ce café branché du sud-est de la Turquie.

Leur champ de bataille se trouve de l'autre côté de la frontière, en Syrie, où ces rebelles tentent de renverser par les armes le régime de Bachar al Assad. Comme beaucoup d'autres insurgés, ils manquent d'argent et d'armes et ils sont venus en chercher en Turquie.

"Quand il s'agit de trouver des armes, chaque groupe sait qu'il doit se débrouiller tout seul", dit ce gaillard de 25 ans à la barbe mal soignée.

Officiellement, Moustafa et ses hommes combattent au sein de l'Armée syrienne libre (ASL) mais cette dernière, dépourvue de reconnaissance internationale et de financement direct étranger, n'est généralement rien d'autre qu'une étiquette sous laquelle une multitude de groupes armés cherchent à se financer.

La concurrence entre eux est parfois si exacerbée qu'ils finissent par tourner leurs armes les uns contre les autres.

"Tout le monde a besoin d'armes. Il y a des tensions. Il y a de la colère et, oui, parfois il y a des combats si les rebelles dans une ville donnent l'impression de disposer d'une part exagérée des armes", dit Moustafa.

Ces différends sont amplifiés par les objectifs propres à ces soutiens extérieurs, ce qui accentue la fragmentation de la rébellion contre Bachar al Assad.

Pour trouver un donateur, il faut généralement mobiliser son réseau de connaissances personnelles. Des proches ou des amis expatriés peuvent vous mettre en contact avec des hommes d'affaires ou des organisations syriennes installés à l'étranger. Il faut ensuite négocier et le prix à payer est parfois idéologique.

DISSIDENCES

Beaucoup soulignent que des organisations islamistes financent de nombreux bataillons partageant leurs vues religieuses. Les Frères musulmans disposent ainsi à Antioche de représentants prêts à rencontrer des rebelles intéressés par leur appui, disent des combattants.

Des laïcs ou des adversaires des islamistes tentent de contrer cette influence en finançant des bandes rivales.

"Ces groupes sont tous en train de créer leurs propres milices, comme des seigneurs de guerre. C'est un facteur de division", dit un rebelle ayant requis l'anonymat. "Ils ne réfléchissent pas en termes de stratégie militaire, ils réfléchissent en termes politiques."

Puissances sunnites désireuses de réduire l'influence dans la région de l'Iran chiite, allié de Bachar al Assad, l'Arabie saoudite et le Qatar militent pour que la communauté internationale arme les rebelles. Les pays occidentaux s'y opposent jusqu'à présent de crainte des conséquences incontrôlables d'un tel afflux d'armes.

Même si la décision était prise, la difficulté serait de déterminer avec précision les bénéficiaires d'une telle aide militaire entre des groupes rebelles dépassés par la puissance de feu du régime Assad et souvent en désaccord quant à la stratégie à suivre.

Plusieurs groupes rebelles ont officiellement rompu avec l'ASL pour former des branches dissidentes telles que l'Armée syrienne de libération, l'Armée patriotique ou encore le Mouvement pour le changement, dont l'influence est difficile à déterminer.

L'Armée syrienne libre s'est ainsi engagée à respecter le cessez-le-feu officiellement entré en vigueur le 12 avril sous l'égide de l'Onu. L'Armée syrienne de libération a en revanche prévenu qu'elle poursuivrait les combats.

"Nous n'acceptons pas le cessez-le-feu. Nous avons quelque peu ralenti nos opérations mais c'est seulement parce que nous n'avons pas assez d'armes", dit son porte-parole, Haïssam Koudeïmati.

CALCULS

D'après certaines combattants, des donateurs privés, peut-être des personnalités d'Arabie saoudite ou du Qatar, ont fourni des millions de dollars à leurs groupes favoris. Beaucoup soupçonnent les Frères musulmans et les salafistes de se tailler la part du lion.

Abou Chaham, chef rebelle de 60 ans à Hama, accuse les Frères musulmans de calculs en évitant de s'exposer dans les combats afin de préserver leurs forces pour la suite.

"Les Frères injectent de l'argent dans des unités rebelles et pourtant leurs hommes ne combattent pas autant que nous. Ils sont quasiment toujours les premiers à battre en retraite. Pourquoi?", s'interroge-t-il.

"Ils ne pensent pas à cette phase-là de la bataille. Ils se préoccupent de ce qui va se passer ensuite. Ils souhaitent se préserver pour la lutte qui s'ouvrira après la chute d'Assad, afin d'être les plus puissants."

Abou Chaham dénonce en outre la présence de "voleurs et de bandits qui profitent du chaos".

En mars, Amdjad al Hamid, commandant d'une unité rebelle dans la province de Homs prétendant être affilié au Mouvement pour le changement, a critiqué d'autres groupes.

"Il y a des hommes en armes parmi nos civils qui sont un fardeau pour notre révolution", l'entend-on dire à une foule sur une vidéo diffusée le 17 mars sur YouTube. "Ce ne sont que des bandits (...) Il est inadmissible de violer des femmes, sinon nous ne sommes guère différents de Bachar al Assad."

Le lendemain, il était abattu. Ses hommes ont accusé d'autres rebelles, et non pas le régime, en promettant de leur "infliger le châtiment qu'ils méritent".

Certains rebelles craignent surtout la présence d'extrémistes islamistes désireux d'attiser les tensions entre la majorité sunnite, au coeur de la révolte, et les minorités chiites, alaouites et chrétiennes.

"Il y a beaucoup de djihadistes qui veulent venir de l'étranger, c'est une réalité", dit un insurgé sous le sceau de l'anonymat. "Alors, nous ne parlerons plus du combat de la Syrie pour sa liberté, nous parlerons d'une guerre religieuse."

Expert à l'Institut d'étude de la guerre aux Etats-Unis, Joseph Holliday prévient que si les puissances étrangères ne fournissent pas un appui ordonné aux rebelles, les rivalités au sein de l'insurrection risquent de plonger la Syrie dans le chaos.

"Tant que nous ne reconnaissons pas les rebelles, n'importe qui peut ouvrir sa boutique en Turquie et commencer à financer des groupes d'opposition", dit-il. "On ne sait pas qui arme qui (...) et je crains qu'avant que l'Occident décide d'agir, il ne soit trop tard."

 


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