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Condition des femmes :

 

 

Le suicide, porte de sortie pour des Saoudiennes sous pression

Reuters, le 18 décembre 2007

RYAD - Séparées des hommes, interdites de volant et soumises à des restrictions en matière de déplacements, de travail et d'études, de nombreuses Saoudiennes tentent de se suicider pour échapper à l'étau de l'une des sociétés les plus austères du monde.

L'Arabie saoudite, Etat islamique conservateur où les dirigeants religieux imposent une stricte séparation entre hommes et femmes, a souvent une attitude intransigeante vis-à-vis des femmes victimes de violences.

Une adolescente de 19 ans enlevée et violée par sept hommes a récemment été condamnée à 200 coups de fouet, affaire qui a provoqué un tollé international et terni l'image du pays, berceau de l'islam, dans le monde.

Cette semaine, le roi Abdallah a gracié la jeune femme. Ce décret royal sonne comme un désaveu pour les dignitaires religieux saoudiens, qui prônent un islam dur appelé le wahhabisme, et qui dominent l'appareil judiciaire.

Les pressions que subissent les Saoudiennes les contraignent à vivre dans un monde à part, rendant plus difficiles à gérer qu'ailleurs les affres de l'adolescence et les problèmes familiaux.

"J'étais désespérée en raison de problèmes familiaux. Ma mère a divorcé et j'ai dû rester avec elle tandis que mes deux frères aînés restaient avec mon père", explique Maha Hamad, une étudiante de 23 ans qui a tenté de se suicider il y a deux ans.

"J'ai subi trop de pression de la part de ma mère dans tout ce que je faisais au quotidien. C'était impossible pour moi de mener ma vie sans qu'elle me dicte quoi faire."

Le suicide est sévèrement condamné par la charia, ou loi islamique, et les hôpitaux présentent souvent officiellement les suicides comme des "abus de médicaments" ce qui rend difficile l'évaluation du phénomène.

PRESSIONS SOCIALES

Une étude menée en 2006 auprès de rescapés de suicide par Saloua al Khatib, chercheuse à l'Université du roi Saoud, a cependant montré que sur 100 cas 96 concernaient des femmes et quatre des hommes.

Elle affirme que l'hôpital où elle travaille comme conseillère enregistre en moyenne, chaque mois, 11 tentatives de suicide par des femmes. "Les femmes subissent des dépressions graves en raison de la pression sociale", explique Khatib.

"La différenciation faite entre les hommes et les femmes d'une même famille contribue à accroître la pression (...). Les hommes qui sont élevés dans l'idée qu'ils sont supérieurs méprisent pour la plupart les femmes. Ils développent des comportements violents pour exprimer leur pouvoir sur elles."

En consommant, en journée, de petites doses de médicaments, les femmes lancent à leur manière des appels au secours plutôt que de tenter réellement de se suicider, estime Khatib.

"De nombreuses adolescentes, en Arabie saoudite, souffrent du manque de communication avec leurs parents. Personne n'écoute leurs problèmes émotionnels, sociaux voire liés à l'éducation", dit-elle.

Les mariages forcés sont un facteur fréquent de dépression chez les jeunes femmes, selon les chercheurs. Généralement, seules les femmes issues de familles aisées peuvent choisir leur mari.

Laïla, une ancienne employée de l'administration de l'hôpital du Royaume, à Ryad, se souvient du cas d'une femme de 20 ans qui a tenté de mettre fin à ses jours parce que ses parents l'avaient forcée à épouser un septuagénaire.

"Elle a tenté de se taillader les poignets après quelques mois de mariage. Les mariages forcés figurent parmi les problèmes les plus graves auxquels sont confrontés les jeunes filles", explique-t-elle.

"Parfois, les familles ne veulent pas forcer leurs filles à faire cela, mais des interventions de la famille élargie et des proches les mettent sous pression, tout particulièrement s'ils vivent en-dehors des grandes villes."