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Troisième journée de violence à Bangkok

AP, le 15 mai 2010

   
L'armée et les opposants au gouvernement thaïlandais se sont encore affrontés à Bangkok samedi, au troisième jour de violences qui ont déjà fait au moins 24 morts depuis que le gouvernement a tenté de boucler la zone de quelque 3 km2 occupée par les "Chemises rouges" dans l'un des quartiers les plus huppés de la capitale. L'armée a proclamé que le quartier de Ratchaprarop était désormais classé "zone de tirs à balles réelles".

Les explosions et combats de rue ont également fait plus de 194 blessés en trois jours, portant le bilan du bras de fer à plus de 50 morts depuis le début des manifestations le 12 mars pour exiger la démission du Premier ministre Abhisit Vejjaajiva, la dissolution du Parlement et la tenue d'élections anticipées. Environ 10.000 opposants sont barricadés derrière des barrages de pneus et de bâtons de bambou dans le quartier de Rajprasong, principale zone commerciale et enclave diplomatique de Bangkok.

Le chef du gouvernement est intervenu en soirée à la télévision, promettant de mettre fin aux violences dans la capitale avec le moins de sang versé possible. M. Abhisit a ainsi affirmé que son gouvernement tentait de "rétablir une situation normale avec un minimum de pertes".

Depuis la tentative d'assassinat du stratège des Chemises rouges, un ancien général grièvement blessé par un tir dans la tête jeudi alors qu'il parlait avec des journalistes étrangers, la violence s'étend de rue en rue dans la capitale. L'armée assure qu'elle ne cherche pas à tuer mais pendant une accalmie samedi, des manifestants ont traîné les cadavres de trois personnes qui, selon eux, ont été abattues par des tireurs d'élite visant la tête.

Vendredi, les troupes ont tiré des grenades lacrymogènes et des balles de caoutchouc puis à balles réelles sur les manifestants qui avaient incendié un car de la police et des pneus. Le gouvernement accuse les opposants d'utiliser des fusils, grenades et bombes incendiaires.

Des accrochages sporadiques ont repris dans plusieurs secteurs de Bangkok samedi, les rues vidées des chalands et touristes résonnant du fracas des explosions tandis que des panaches de fumée noire s'élevaient entre les gratte-ciel et hôtels. Les affrontements se sont étendus à plusieurs rues menant au campement des manifestants, tandis que l'armée tentait à nouveau de boucler la zone, où tous les magasins, hôtels et bureaux sont fermés.

Des soldats ont déroulé du fil de fer barbelé en travers des rues menant au quartier commerçant de Ratchaprarop, situé au nord de celui de Rajprasong où sont retranchés les Chemises rouges. Ils ont accroché des pancartes disant en thaï et en anglais: "Zone de tir à balles réelles" et "Zone interdite. Pas d'entrée". Ce quartier, qui abrite des immeubles élevés, hôtels de luxe et magasins de design, a été le théâtre de certains des affrontements les plus violents vendredi soir.

"A chaque minute qui passe, la situation actuelle se rapproche de la guerre civile", a estimé l'un des meneurs des Chemises rouges, Jatuporn Prompan. "Nous devons continuer à nous battre. Les chefs de file ne devraient même pas songer à se retirer quand nos frères sont prêts à continuer à se battre."

Weng Tojirakarn, un autre leader de la contestation, demande au gouvernement de déclarer un cessez-le-feu et de retirer les troupes. "Nous ne voulons pas de guerre civile. Si cela arrive, je ne sais pas combien d'années il faudra pour que cela s'arrête", explique-t-il.

Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, qui demandait à toutes les parties "de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter des violences et vies perdues supplémentaires, n'a visiblement pas été entendu.

Les Chemises rouges, originaires pour la plupart des campagnes pauvres du nord du pays, refusent de quitter leur camp retranché tant que le Parlement n'a pas été dissous et de nouvelles élections convoquées. Ils accusent le gouvernement de coalition de ne représenter que l'élite fortunée de la capitale et d'avoir pris le pouvoir avec l'appui du système judiciaire et de la puissante armée du pays, celle-là même qui a déposé leur champion, l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, en 2006.

Un règlement de la crise avait paru possible la semaine dernière lorsque le Premier ministre Abhisit avait proposé la tenue d'élections en novembre, un an avant l'échéance normale, mais les Chemises rouges demandaient plus et les négociations ont échoué. Devant la poursuite des violences, l'ambassade américaine a annoncé samedi qu'elle évacuerait les familles de ses employés qui le voudraient.