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Étrangers : silence on enferme !


       
Rétention : les associations s'interrogent sur la nouvelle donne imposée par Hortefeux

AFP, le 25 septembre 2008

PARIS - Les associations d'aide aux étrangers s'interrogent sur le rôle qui leur sera dévolu dans les centres de rétention, après la fin du monopole de la Cimade décidée cet été par Brice Hortefeux qui prône une plus grande "neutralité" des intervenants.

Plusieurs associations parmi lesquelles Amnesty International France, l'Anafé et l'Association des chrétiens pour l'abolition de la torture, ont invité mercredi soir les autres structures pour discuter de la nouvelle donne et, éventuellement, élaborer une situation concertée.

Un décret du ministère de l'Immigration du 22 août a réformé le dispositif d'aide aux étrangers en situation illégale placés dans les centres et les locaux de rétention (Cra et Lra) en introduisant la possibilité qu'"une ou plusieurs personnes morales" y exercent des missions d'information et d'aide.

Jusqu'à présent, la Cimade était la seule association habilitée à accompagner les "retenus" dans les différents centres depuis 1985.

Par un appel d'offres publié début septembre au Bulletin officiel, il est aussi prévu que les 30 Cra qui seront en activité au 1er janvier 2009 (contre 27 actuellement) seront répartis en huit "lots". Cet appel d'offres court jusqu'au 22 octobre.

Au grand dam des associations, il est prévu que les personnes morales qui interviendront dans les Cra seront tenues à "une stricte neutralité" et à une "clause de confidentialité", sous peine de voir le ministère résilier leur convention.

"Toutes ces notions de neutralité, de discrétion contenues non pas dans le décret mais dans les annexes, nous inquiètent", souligne Patrick Delouvin d'Amnesty International. "S'il y a le choix entre plusieurs personnes morales, ne va-t-on pas opter pour le moins communicant, le plus neutre?"

Toutes les associations s'interrogent sur les ambiguïtés des deux textes en ce qui concerne la mission assignée aux associations.

Laurent Giovannoni, secrétaire général de la Cimade, reçu lundi par M. Hortefeux pense que la question principale est encore sans réponse. "S'agira-t-il toujours d'une mission unique qui consiste à informer les étrangers et à les aider à exercer leurs droits ou bien est-il question d'un éclatement en un marché concurrentiel ouvert à la concurrence entre prestataires de service?", demande-t-il.

Au cabinet de M. Hortefeux, on se veut rassurant: "la mission des associations qui seront présentes demain dans les centres est exactement la même que celle qu'avait la Cimade".

La plupart des associations susceptibles de répondre à l'appel d'offres ne veulent rien entreprendre sans concertation entre elles et la Cimade.

"Nous devons aider la Cimade qui n'a en rien démérité", estime Pierre Henry, directeur de France Terre d'Asile. "La rétention n'est pas un marché public comme les autres et cette mise en concurrence, relayée par certaines associations, nous choque beaucoup".

"C'est autour de la Cimade que doit se déployer une réponse commune", ajoute-t-il.

En tout état de cause, la Cimade prendra la décision, le 4 octobre de répondre ou pas à l'appel d'offres, sous quelle forme etc...

Pour l'heure, une seule association a d'ores et déjà pris la décision d'"y aller": Forum Réfugiés qui répondra à l'appel d'offres pour deux "lots".

"On doit penser avant tout aux retenus", a déclaré Olivier Brachet, responsable de cette association basée à Lyon. "On ne veut pas se laisser enfermer dans le dilemme de la confrontation gouvernement-Cimade".

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Communiqué inter associatif
Anafé (http://www.anafe.org), le 11 septembre 2008
 
Étrangers : silence on enferme !


Le ministère de l'immigration vient de faire paraître un appel d'offre relatif à « l'information en vue de l'exercice » des droits des étrangers dans les centres de rétention administrative suite à la publication d'un décret en date du 22 août 2008. Cet appel d'offre intervient dans un contexte très préoccupant, que traduisent notamment : - les quotas d'expulsion, qui induisent non seulement des interpellations tous azimuts, mais aussi des dérives scandaleuses de la part des services des préfectures et de la police,

- la généralisation des rafles d'étrangers,

- la mise en place de fichages de tous les étrangers (fichier Eloi) http://www.iris.sgdg.org/info-debat/comm-eloi1006.html ou de leurs soutiens (fichier Edvige) http://nonaedvige.ras.eu.org/,

- l'adoption de la directive de la honte dite « retour », le 18 juin 2008, par le Parlement Européen, qui systématise l'enfermement des migrants,

- la construction exponentielle des centres de rétention dans toute la France,

- l'externalisation des lieux de rétention hors des frontières de l'Union européenne,

- des conditions quotidiennes de rétention dénoncées tant par les retenus étrangers http://www.migreurop.org/article1256.html, les associations et les parlementaires que par des instances européennes ou internationales,

- l'arrogance du gouvernement face aux critiques de sa politique d'immigration, qui détruit des familles, expulse des enfants, pousse au désespoir et va jusqu'à provoquer des morts,

- la remise en cause du travail de la Cimade, qui permet à des milliers d'étrangers de faire valoir leurs droits devant les juridictions françaises (tant sur leurs conditions d'interpellation, de rétention et de reconduite à la frontière) et de faire connaître ce qui se passe dans les lieux de rétention,

- les tentatives (notamment dans le cadre d'une réforme constitutionnelle) de mettre au pas les juges qui sanctionnent les pratiques illégales des préfectures et les violations des droits des étrangers retenus.

Aujourd'hui, le gouvernement veut rendre muettes et dociles les associations qui interviendraient dans les centres de rétention en :

- divisant en « lots », pour mieux régner, les divers sites d'intervention des associations,

- écartant les regroupements d'associations de l'appel d'offres, ce qui rendra très difficile l'élaboration de bilans nationaux sur la situation dans les lieux de rétention,

- obligeant ces associations à distribuer la documentation fournie par l'administration,

- imposant à ces intervenants, sous la menace financière d'une rupture sans indemnité, un devoir de neutralité et de confidentialité, obligations incompatibles avec la défense effective des droits des étrangers placés en rétention.

En bref, le ministre de l'immigration veut des associations à ses ordres, afin que les centres de rétention, loin de tout regard critique, redeviennent des espaces sans contrôle.


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