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Suicide en prison : les syndicats doutent de l'efficacité des mesures

Le Monde , le 19 août 2009

« C''est largement insuffisant." Sans hésiter, Céline Verzeletti , surveillante à la maison d'arrêt de Versailles et secrétaire générale du syndicat CGT-Pénitentiaire, dénonce les mesures de prévention annoncées, mardi 18 août, par la garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie , pour lutter contre les suicides en prison.

Elle souligne que le problème principal du système carcéral – la surpopulation – est contourné : "On ne peut pas se contenter de ces mesures sans s'attaquer au reste, qui est incontournable" . Parmi les préconisations de la ministre figure l'instauration de formations pour les personnels pénitentiaires. "Nous en voulons, des formations, nous voulons travailler mieux et plus efficacement" , assure Mme Verzeletti. "Mais quand vous avez trop de détenus à charge, vous n'avez pas le temps d'observer les détenus, de discuter avec eux et de déceler leur état psychologique. Nous devons déjà accompagner les mouvements des détenus, leur apporter les repas et on arrive déjà à peine à le faire" , regrette-t-elle. "On fait rentrer la charge de travail au chausse-pied" , renchérit Jérôme Capdevielle, secrétaire général adjoint de FO-Pénitentiaire.

"SI UN DÉTENU VEUT SE SUICIDER, IL LE FERA"

"On voudrait nous faire croire que les suicides en prison ne peuvent se régler qu'avec des pyjamas en papier, de la formation et des recrutements de détenus pour aider les détenus vulnérables" , poursuit Jérôme Capdevielle. "Mais le milieu carcéral est un milieu suicidogène et si un détenu veut se suicider, quelles que soient les mesures mises en place, il le fera. De plus, on donne les chiffres des suicides mais l'on ne parle jamais de toutes les tentatives."

Une autre préconisation consiste à charger des détenus volontaires d'accompagner les prisonniers en situation de détresse psychologique. "C'est une mesure déconcertante , estime M. Capdevielle. Ils n'ont pas à se substituer aux surveillants." Une mesure qui doit également être mise en lien avec le manque de personnel dans les prisons. En janvier 2008, un détenu du centre pénitentiaire de Liancourt (Oise) a dû, à la demande insistante des infirmières, délivrer quotidiennement des médicaments à son voisin de cellule, qui avait été placé puis maintenu en détention alors qu'il souffrait de graves troubles psychiatriques. Une pratique qui avait été dénoncée par la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

Un directeur d'une maison d'arrêt du nord de la France, qui n'a pas souhaité être nommé, estime par ailleurs que "cela pose aussi le problème de la culpabilisation du détenu en question s'il échoue dans sa mission d'accompagnement" .

"On demande au détenu, et on nous demande, de contraindre les prisonniers à vivre au lieu d'améliorer leurs conditions de vie pour qu'ils n'aient pas envie de mourir. Ces détenus doivent être correctement encadrés par des professionnels" , poursuit Céline Verzeletti. "En fait, on nous demande de nous débrouiller avec ce que l'on a déjà."

"Nous avons surtout besoin de moins de détenus, insiste-t-elle. Nous voulons que l'incarcération ne soit pas systématique, qu'il y ait davantage de peines alternatives." Quant aux "kit de protection" destinés aux détenus susceptibles de se suicider, "c'est un plus" , reconnaît-elle, "mais cela ne suffit pas" . Moins critique, le directeur de la maison d'arrêt du nord de la France estime quant à lui que "cela ne peut pas faire de mal et que le peu qui peut être fait est toujours bon à prendre" .

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Prison : MAM copie le rapport édulcoré par Dati

Libération, le 19/08/2009

Suicides. Une série de mesures pour repérer les détenus à risque.

De l'art de faire du neuf avec du vieux, tout en prétextant la transparence. Hier, la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, se voyait remettre un rapport de l'administration pénitentiaire (AP) sur les suicides en prison depuis 2009 - une «étude interne»,«factuelle», précise Guillaume Didier, porte-parole de la chancellerie.

Depuis janvier, entre 88 et 92 détenus se sont suicidés selon plusieurs associations, contre 81 selon le ministère - qui a revu ses chiffres à la hausse, en décidant de prendre en compte les détenus qui se sont suicidés en cellule, mais aussi ceux dont la mort est survenue plus tard à l'hôpital, ce qui n'était pas le cas avant. La ministre a annoncé hier une série de mesures pour lutter contre le fléau, parmi lesquelles la généralisation de «kits de protection» destinés aux détenus à risque - draps et couvertures indéchirables, pyjamas en papier à usage unique pour éviter les pendaisons -, ainsi que des matelas anti-feu, une meilleure formation des surveillants et la mise à contribution de détenus volontaires, chargés d'accompagner les prisonniers en situation de détresse psychologique.

Ça sent un peu le réchauffé ? Revoilà le rapport Albrand, commandé par Rachida Dati, alors garde des Sceaux, sur les suicides en détention. En avril, le médecin Louis Albrand avait boycotté la remise de son propre rapport au ministère, estimant qu'il avait été «édulcoré», puis «enterré parce qu'il ne plaisait pas à l'AP» .

Le 15 juin, Rachida Dati publiait une circulaire sur la prévention du suicide en détention, qui reprenait certaines préconisations dudit rapport - jusque-là jamais rendu public. Enfin, hier, Michèle Alliot-Marie ressortait ces mêmes préconisations : c'est «à la lumière de l'étude de l'AP» que «la ministre a décidé de l'application du rapport Albrand, dans son ensemble», explique la chancellerie. «Dans un souci de transparence», selon Guillaume Didier, le rapport est désormais consultable sur le site du ministère de la Justice. C'est le psychiatre Jean-Louis Terra, co-auteur du rapport, qui sera chargé du suivi de son application.

«Comme on s'y attendait, il n'y a rien de nouveau», soupire Michel Près, de l'association Ban public. Pour lui, le ministère et l'administration pénitentiaire «noient un peu le poisson». Il regrette les mesures «déshumanisantes» et la «gestion technique du problème» que propose la ministre. «C'est comme si on avait un meuble vérolé, et qu'on se disait qu'en passant un coup de vernis dessus, ça allait suffire. Et puis, de toute façon, quelqu'un qui a envie de se suicider, il y arrivera, draps déchirables ou pas.»

La chancellerie affirme qu'il n'y a «qu'un seul rapport Albrand». Mais le médecin, lui, campe sur ses positions :«La ministre ressort la version édulcorée du rapport, pas celle que j'avais remise en décembre au ministère», assène-t-il. L e médecin s'est dit«triste, déçu et inquiet» : «J'espérais que Michèle Alliot-Marie ait du courage politique. Elle prend à nouveau le problème des suicides dans les prisons par le petit bout de la lorgnette.»

   

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