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Les rouages de la machine à expulser
 

Libération, le 25 février 2009

Pour parvenir à ses objectifs d'expulsion d'étrangers en situation irrégulière, le ministère de l'Immigration mobilise tous les rouages de l'Etat et de la société. A commencer par les préfets - vingt d'entre eux ont droit à un portrait détaillé dans Cette France-là. Coup de projecteur sur plusieurs acteurs de la mobilisation anti-immigrés.

LES PREFETS
«L'extension de l'autonomie»

«L'une des inflexions les plus remarquables de la politique impulsée par Nicolas Sarkozy - en tant que ministre de l'Intérieur et président de la République - concerne l'extension mais aussi la valorisation de l'autonomie préfectorale.»

«Pour atteindre le nombre de reconduites à la frontière fixé par Brice Hortefeux, les préfectures sont invitées à rapprocher leur mode d'organisation de celui d'une entreprise.»

Soumise à des objectifs d'expulsion chiffrés, l'administration a élaboré des stratégies d'arrestation des étrangers, notamment au guichet des préfectures. Dans une note de février 2008, celle de Nanterre détaille «la procédure à suivre pour parvenir à l'interpellation des étrangers présents dans les locaux». D'abord, vérifier que l'étranger «fait bien l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière». Puis, «se faire remettre le passeport, demander à l'intéressé de patienter dans la salle d'attente et, enfin, prévenir le chef de la section "éloignement". A ce dernier revient alors la tâche d'appeler la police […] laquelle devra procéder à l'arrestation en "cabine fermée".»

Afin d'atteindre les objectifs d'expulsions qui leur sont fixés, il arrive que les agents préfectoraux «omettent de signaler aux étrangers qu'ils ont droit à un recours […]. Plus radicalement, certaines préfectures se dispensent de répondre à des demandes de titres de séjour, misant sur le fait que, au bout de quatre mois, une absence de réponse équivaut à un refus. Enfin d'autres encore encouragent leurs agents à dissuader les étrangers présents au guichet de déposer leur requête - au prétexte qu'elle n'aurait aucune chance d'être reçue.»

LES FLICS
«L'envie et les moyens d'interpeller»

«Pour réussir, comme Brice Hortefeux s'y est engagé, à expulser un nombre toujours croissant d'étrangers en situation irrégulière, il convient d'abord d'identifier les individus susceptibles d'être éloignés du territoire français en procédant à leur interpellation. Celle-ci s'impose même comme une opération d'autant plus importante qu'elle n'est que le point de départ d'une procédure qui n'aboutit pas toujours. Ainsi, en 2007, les services de police et de gendarmerie ont eu beau interpeller plus de 88 000 personnes en situation irrégulière sur le territoire métropolitain, à peine plus de 23 000 éloignements ont été réalisés, alors que l'objectif visé était de 25 000.»

«De façon à donner aux policiers l'envie et les moyens d'interpeller davantage, on a vu que, dès février 2006, les ministres de l'Intérieur et de la Justice ont envoyé une circulaire aux préfets - et aux procureurs - où figurait un ensemble de recommandations relatives à la manière dont les forces de l'ordre doivent prendre part au combat contre l'immigration clandestine.»

«Les méthodes utilisées pour mobiliser les services de police et de gendarmerie consistent essentiellement en techniques managériales d'évaluation et de motivations importées du secteur privé.»

LES JUGES
«Une place déterminante»

«La complexité croissante de la législation et de la réglementation en droit des étrangers, d'une part, l'autonomie et la sévérité accrues de l'administration en matière de délivrance de titres de séjour et de mesures d'éloignement, d'autre part, ont donné lieu à une multiplication des recours devant les tribunaux administratifs ou judiciaires. L'extension du contentieux donne au juge une place déterminante dans le fonctionnement de la politique de reconduite à la frontière».

Mais «le traitement actuel […] du contentieux des étrangers a l'heur de ne satisfaire personne: ni l'exécutif - qui estime que la justice contribue insuffisamment à la mise en œuvre de sa politique -, ni les étrangers justiciables - qui constatent que les droits dont ils devraient bénéficier sont insuffisamment garantis -, ni même les magistrats - qui ne parviennent pas à faire face à l'augmentation continuelle des recours».

LES MAIRES
«Lutte contre les mariages blancs»

«Avant l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur, en 2002, les élus locaux n'étaient que très peu impliqués dans la politique française d'immigration.» «C'est surtout en termes de lutte contre les mariages blancs que les élus locaux ont vu leur pouvoir singulièrement étendu.»

Aujourd'hui, certains «élus pratiquent le parrainage républicain d'étrangers menacés d'éloignement» mais «nombre de leurs collègues hésitent de moins en moins à appeler les préfectures lorsque des candidats au mariage dépourvus de papiers se présentent dans leurs mairies, ou encore à refuser l'accès à l'école ou à la cantine scolaire à des enfants dont les parents sont en situation irrégulière».

 

 

   
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