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Le projet de code pénal des mineurs ne satisfait personne

Le Monde, le 13 mai 2009

Symbole du discours répressif de Nicolas Sarkozy , la lutte contre la délinquance des mineurs a été un des principaux chantiers du ministère de la justice. Mais un chantier face auquel la garde des sceaux, Rachida Dati , n'a cessé de reculer. Des points de réforme présentés comme cruciaux ont disparu du projet de code de justice pénale des mineurs : prison et responsabilité pénale dès 12 ans, tribunal correctionnel spécial pour les 16-18 ans, abaissement de la majorité pénale à 16 ans, séparation des fonctions du juge des enfants entre ses activités pénales (adolescents délinquants) et civiles (mineurs victimes et à protéger).

Annoncée comme une réforme d'ampleur, la refonte de l'ordonnance de 1945 déçoit les partisans d'une plus grande fermeté : "Le texte est en retrait par rapport à certains aspects de nos travaux" , constate le député UMP Guy Geoffroy , membre de la commission Varinard, qui a travaillé en amont sur la réforme.

En 2006, 56 300 moins de 18 ans ont été condamnés pour des délits, contre 28 200 en 2002. Seuls 1,3 % des 203 700 adolescents mis en cause par la police (parmi 4 millions de moins de 18 ans) sont impliqués dans des actes criminels. Au 1er avril, 691 mineurs sont en prison.

D'un autre côté, le projet mobilise contre lui des professionnels de la justice, car il écorne certains principes et conduit à affaiblir les pouvoirs du juge. "C'est la fin du juge des enfants comme pierre angulaire de la justice des mineurs" , regrette Catherine Sultan , présidente de l'Association française des magistrats de la jeunesse.

Le texte fixe à 13 ans l'âge de la responsabilité pénale. Il rappelle dans un article préliminaire les principes d'atténuation de la responsabilité du mineur, "son développement éducatif et moral" et la spécialisation des juridictions. Mais il met sur le même plan les mesures provisoires prises avant un jugement, les sanctions éducatives et les peines, là où l'ordonnance de 1945 affichait la primauté des mesures éducatives.

"TOLÉRANCE ZÉRO"

Le projet limite à quatre le nombre de sanctions éducatives, que le gouvernement estimait trop nombreuses et trop peu efficaces : l'avertissement judiciaire, la remise judiciaire à parents, le suivi par un éducateur en milieu ouvert, le placement du mineur dans un foyer, un internat ou un établissement médical. Ces mesures sont limitées à une durée maximum d'un an avant une condamnation plus sévère, temps jugé trop court par de nombreux professionnels.

Laurence Bellon, juge des enfants à Lille, anime le groupe de professionnels de différents secteurs à l'origine de la pétition "Quel avenir pour les jeunes délinquants ?", qui a réuni plus de 13 000 signatures. Elle redoute une "logique de l'escalade dans les sanctions" , notamment en cas d'échec éducatif, qui peut conduire en centre éducatif fermé (CEF) ou en prison, "sans que la notion d'échec ne soit définie".

"C'est l'entrée de la tolérance zéro dans le code des mineurs" , renchérit Mme Sultan.

Une plus grande sévérité marque aussi le régime des peines de prison. Pour les moins de 16 ans, un contrôle judiciaire peut être ordonné si la peine encourue est de cinq ans (un vol en réunion par exemple), contre sept ans aujourd'hui. Ce n'est pas sans conséquence quand une violation du contrôle entraîne un placement en détention provisoire.

Le régime de la détention provisoire s'alourdit pour les 13-16 ans, qui peuvent y être placés s'ils encourent une peine d'emprisonnement de cinq ans et ont déjà fait l'objet d'un placement en centre fermé ou d'une privation de liberté. "Avoir été placé en CEF devient une présomption de culpabilité" , s'inquiète Mme Bellon. Plus anecdotique, le montant maximal des amendes pour les mineurs passe de 7 500 à 15 000 euros.

Le procureur renforce son pouvoir dans la procédure pénale, au détriment du juge des enfants. Il pourra saisir directement les juridictions de jugement, alors que le juge des enfants pouvait choisir certaines formations (tribunal pour enfants, jugement en cabinet). "Il s'agit de transformer le juge des enfants en juge arbitre, comme pour la transformation du juge d'instruction en juge de l'enquête, explique Mme Sultan. La spécificité du travail du juge des enfants, c'est qu'il suit l'évolution d'un jeune dans sa continuité, en construisant un travail avec un éducateur. Le parquet ne peut assurer cette continuité. C'est une transformation totale de la justice des mineurs." Le nouveau code ne sera pas examiné au Parlement avant l'automne.


   
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