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Autre article :

Violentes manifestations anticommunistes. AFP, le 7 avril 2009


 
Moldavie : des centaines de jeunes torturés par la police

Le Monde, le 5 mai 2009
   


Dans la salle du conseil municipal de Chisinau, ce 28 avril, une soixantaine de jeunes Moldaves sont venus témoigner, devant une délégation du Parlement européen, des sévices qu'ils ont subis de la part de la police, dans les jours qui ont suivi les événements du 7 avril.

Ils sont assis, un peu penauds, dans les rangées de sièges. Visages d'adolescents encore tétanisés par le calvaire qu'ils ont traversé. Ils ont été raflés par la police, souvent en plein jour, dans la rue, dans des cafés, des écoles, ou encore dans des locaux de l'université, Certains sont mineurs.

"J'étais sur la place de la manifestation, lorsque la police m'a attrapé , raconte un jeune homme blond, un bras dans le plâtre. On m'a poussé vers un minibus. Il y en avait cinq ou six, plein de jeunes. Ils nous ont conduits au commissariat central. On a été frappés dans le dos avec des matraques, des coups de pied, des crosses de fusil. J'ai perdu connaissance. Les policiers voulaient que je signe une déclaration disant que j'avais été payé pour me rendre à la manifestation et pour causer des destructions." Son dos, comme le montre une photo, est couvert d'hématomes.

"On nous a conduits ensuite vers un autre commissariat , poursuit l'étudiant. Dans une pièce, on était quinze à vingt. On avait du mal à respirer. On est resté là deux jours, sans eau ni nourriture. La nuit, ils nous frappaient. Je me jetais au sol et couvrais ma tête de mes bras. Je ne voyais pas leurs visages. Ils ont dit "une arme est pointée sur ta tête, on va te tuer". Après cette torture, j'ai signé la feuille."

"ACTION DE TERREUR"

Le régime est tombé à bras raccourcis sur la jeunesse de Chisinau, après les événements du 7 avril. Les interpellations se sont faites à l'aveuglette. Les jeunes ont été emmenés dans des commissariats et des centres de détention, situés parfois en dehors de la capitale.

Combien ont subi ce traitement ? Les chiffres varient. Le pouvoir a reconnu environ 250 interpellations. Mais certains observateurs, comme le président du Comité Helsinki , Stefan Uritu , parlent de "800 à 1 000" victimes d'une "action de terreur" qui aurait visé à décourager toute contestation de rue ultérieure.

Un mineur raconte que le 10 avril, il a été conduit au commissariat, et "battu , pendant une heure et demie, par cinq à six personnes". Il a deux côtes cassées. L'une des techniques employées par les geôliers était "le couloir de la mort ", racontent ces jeunes : il fallait traverser une haie de policiers qui distribuaient des coups. Des jeunes filles ont aussi été raflées. Des rumeurs de viols ont circulé. L'une a raconté qu'elle avait été forcée de se dévêtir devant les policiers, et de faire "des mouvements de gymnastique".

Le 15 avril, le président Vladimir Voronine , sous la pression des chancelleries occidentales, a annoncé une "amnistie". Mais huit jeunes restent à ce jour détenus, et deux personnes sont portées disparues.

L'opposition considère que la répression a fait trois morts. Le corps de Valeriu Boboc , 23 ans, un jeune employé sur les marchés, a été retrouvé après la manifestation. Il était couvert de bleus. Le pouvoir moldave prétend qu'il a succombé à "une inhalation de gaz". Celui du jeune Ion Tabuleac , qui venait d'arriver par train de Moscou, le soir du 7 avril, a été découvert sur les marches d'un hôpital, où une voiture de police l'aurait déposé. Il portait de nombreuses traces de coups. La dépouille mortelle d' Eugen Tapu , un joueur de rugby de 26 ans, a été rendue à sa famille dans un cercueil scellé. Les autorités disent qu'il s'est pendu avec ses lacets.

Marianne Mikko, la chef de la délégation d'élus européens, a conclu que l'ensemble des jeunes arrêtés avaient subi "des mauvais traitements qui s'apparentent à de la torture" .

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