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Des soldats israéliens dénoncent le comportement de l'armée à Gaza

Info-Palestine, le 21 mars 2009

   

Deux mois après la fin de l'opération "Plomb durci" dans la bande de Gaza, qui a coûté la vie à plus de 1 300 Palestiniens, dont une majorité de civils, des soldats israéliens racontent comment certains d'entre eux ont été tués. C'est la première fois que ces témoignages sont publiés, notamment dans le quotidien Haaretz et le journal Maariv. Ils ont d'abord été diffusés dans une lettre d'information d'une académie militaire.

JÉRUSALEM - Un soldat raconte par exemple comment une mère de famille et ses deux enfants ont été tués par un sniper parce que cette femme n'avait pas compris qu'il fallait sortir de la maison en se dirigeant vers la droite plutôt que vers la gauche.

Un autre décrit comment une vieille dame est morte au milieu de la rue sous les projectiles de soldats embusqués dans une maison à 100 mètres, alors qu'elle ne présentait aucun danger. "La vie des Palestiniens est quelque chose de beaucoup, beaucoup moins important que la vie de nos soldats", raconte l'un d'eux ajoutant : "ce qui permet de justifier" ces morts.

Afin d'éviter au maximum les pertes parmi les soldats, les consignes de tirs données par les officiers étaient extrêmement souples. "Lorsque nous entrions dans une maison, nous étions supposés démolir la porte puis tirer à l'intérieur, et ainsi de suite dans tous les étages. Chaque fois que nous rencontrions une personne, nous lui tirions dessus. Pour moi, c'est un meurtre", explique le responsable d'un escadron. "Nous devions tuer tout le monde, car ce sont tous des terroristes", affirment certains soldats de l'unité d'élite Givati. Ces derniers racontent aussi que lorsqu'ils pénétraient dans une maison, ils passaient tout par la fenêtre : "réfrigérateur, vaisselle, mobilier. Les ordres étaient de faire le vide." Un chef de section parle "des inscriptions "Mort aux Arabes", des photos de famille sur lesquelles on crache tout simplement parce qu'on en a le pouvoir. Tout cela dénote à quel point le sens de l'éthique de Tsahal s'est dégradé".

"GUERRE SAINTE"

Danny Zamir, directeur de cette académie, a été surpris par "la dureté des témoignages sur des tirs injustifiés contre des civils, des destructions de biens qui dénotent une atmosphère dans laquelle on se croit permis d'utiliser la force sans restriction". L'influence des rabbins au sein de l'armée est soulignée. "Vous devez combattre pour vous débarrasser des gentils (non juifs) qui vous empêchent d'occuper la Terre sainte" : c'est la recommandation dont se souvient un militaire, qui ajoute : "Beaucoup de soldats avaient le sentiment qu'il s'agissait d'une guerre sainte."

Informé, Gaby Ashkenazi, le chef d'état-major, a estimé que, "pour le moment, les enquêtes n'ont pas démontré que de telles violations ont eu lieu". Le ministre de la défense, Ehoud Barak, reste convaincu que "l'armée israélienne est la plus morale du monde". "Bien sûr, il peut y avoir des exceptions et tout ce qui a pu être dit va être vérifié", a-t-il déclaré.

Une enquête officielle a été ordonnée. Les soldats se sont dits étonnés de la surprise créée par leurs témoignages. Pour eux, ce qui s'est passé dans la bande de Gaza est habituel. Pour le moment, les enquêtes promises sur le déroulement de certaines opérations de Tsahal au cours cette guerre n'ont toujours pas donné de résultats.

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«Pas besoin de l'identifier, vous pouvez tirer»

Libération.fr, le 21 mars 2009

Compte rendu d'un débriefing des soldats israéliens :

Voici de longs extraits des discussions du 13 février, retranscrites et publiées dans la lettre d'information de l'académie prémilitaire Yitzhak Rabin de Tivon. Les noms des soldats ont été modifiés pour préserver leur anonymat. Les éditeurs ont également omis des détails relatifs à l'identité des unités mises en cause.

Danny Zamir (directeur de l'académie) : Je n'ai pas l'intention d'évaluer les résultats et l'impact politico-diplomatique de l'opération «Plomb durci» ce soir, ni de traiter de ses aspects militaires. Une discussion est cependant nécessaire. Il s'agit en effet d'une guerre qui fera date dans l'histoire de l'armée israélienne car elle a posé de nouvelles limites pour le code moral de l'armée et celui de l'Etat d'Israël dans son ensemble. Il s'agit d'une opération qui a semé la destruction parmi les civils. […]

Aviv (de la brigade des Givati) : Un de nos officiers a vu une personne s'avancer sur la route, une femme, une vieille femme. Elle était à une certaine distance mais quand même assez proche pour être vue. Si elle était suspecte ou non, je ne sais pas. Au bout du compte, il a envoyé des hommes sur le toit pour qu'ils la tuent. […]

Zamir : Je ne comprends pas. Pourquoi l'a-t-il tuée ?

Aviv : C'est ce qui est apparemment si plaisant à Gaza : vous voyez quelqu'un suivre son chemin sur une route. Il n'a pas besoin d'avoir une arme, vous n'avez pas besoin de l'identifier, vous pouvez tout simplement lui tirer dessus. Dans notre cas, il s'agissait d'une vieille femme qui, autant que j'aie pu le voir, ne portait pas d'arme. […]

Gilad (un soldat) : Avant même que nous n'entrions à Gaza, le commandant du bataillon a insisté sur une leçon très importante de la deuxième guerre du Liban : la nécessité d'entrer en territoire ennemi avec une grosse puissance de feu pour protéger la vie des soldats. Durant l'opération à Gaza, les pertes militaires israéliennes ont été vraiment peu élevées et le prix pour cela est que de nombreux Palestiniens ont été tués.

Ram (de la brigade des Givati) : Nous sommes tombés sur une maison dans laquelle se trouvait une famille. Notre entrée s'est faite calmement. Nous n'avons pas ouvert le feu, nous avons juste dit à tout le monde de descendre. Nous les avons rassemblés dans une pièce, avons quitté la maison et avons été remplacés par une autre unité. Quelques jours après, les soldats ont reçu l'ordre de faire sortir la famille. Certains d'entre eux avaient pris position sur le toit où était stationné un tireur d'élite. Le commandant a fait sortir la famille et leur a dit de se diriger vers la droite. Une femme et ses deux enfants n'ont pas compris et sont partis vers la gauche. Les soldats ont oublié de dire au tireur sur le toit qu'ils avaient l'autorisation de partir et qu'ils ne devaient pas tirer. Il a fait ce qu'il devait faire, il suivait les ordres.

Question du public : A quelle distance se trouvait-il ?

Ram : A 100 ou 200 mètres. Ils [les civils palestiniens, ndlr] étaient sortis de la maison et avaient commencé à avancer. Tout d'un coup le tireur les a vus, des gens qui marchaient dans une zone où ils ne devaient pas être. Je ne crois pas qu'il a été troublé de ce qui s'est passé. De son point de vue, il n'a fait qu'appliquer les ordres. L'atmosphère générale, autant que j'ai pu la percevoir à travers les discussions avec la plupart de mes hommes… Je ne sais pas comment le décrire… Disons que la vie des Palestiniens est beaucoup beaucoup moins importante que la vie de nos soldats.

Yuval Friedman (instructeur en chef de l'académie militaire) : N'y avait-il pas une procédure pour demander la permission d'ouvrir le feu ?

Ram : Non. Cela existe, mais seulement jusqu'à un certain point. L'idée qui prévaut est qu'il ne faut pas laisser s'échapper [les hommes armés du Hamas] . Si un terroriste s'approche trop près, il peut faire exploser la maison ou un truc comme ça.

Zamir : Et après la mort de civils, suite à une erreur de ce type, mènent-ils une enquête au sein de l'armée ? Réfléchissent-ils à comment cela aurait pu être évité ?

Ram : Personne de l'unité d'enquête de la police militaire n'est encore venu. Pour tous les incidents, il y a des enquêtes individuelles et des examens de la conduite générale de la guerre. Mais il n'y a rien eu de spécifique dans ce cas précis.

Moshe (un soldat) : L'attitude est très simple : ce n'est pas agréable à dire, mais personne ne prend cela au sérieux. Nous ne faisons pas d'enquêtes, que ce soit lors des combats ou lors des contrôles de sécurité routiniers.



Des soldats israéliens racontent leurs crimes à Gaza

Libération.fr, le 21 mars 2009

Polémique après les témoignages de militaires décrivant le meurtre de civils durant l'opération «Plomb durci».

La publication de témoignages de soldats israéliens faisant état d'exactions contre des civils palestiniens lors de la récente offensive à Gaza a provoqué un début de controverse en Israël, faisant écho aux nombreuses accusations internationales. Depuis la fin, il y a deux mois, de l'opération «Plomb durci» contre le Hamas, l'armée israélienne n'avait cessé d'affirmer, malgré les témoignages palestiniens et les critiques des organisations internationales, qu'elle avait tout fait pour éviter les victimes civiles palestiniennes.

Le procureur général de l'armée israélienne a ordonné l'ouverture d'une enquête, suite à la publication partielle, jeudi, de récits de soldats dans le quotidien de gauche Haaretz . Ces témoignages font part de tirs injustifiés ayant provoqué la mort de civils palestiniens, en raison du laxisme des règles d'engagement.

«Tirs injustifiés». Les soldats racontent notamment comment une mère palestinienne a été tuée avec ses deux enfants par un tireur d'élite parce qu'elle s'était trompée de chemin en sortant de chez elle. Dans un autre cas, une vieille femme palestinienne a été abattue alors qu'elle marchait à 100 mètres de sa maison. D'autres témoins font aussi état d'exactions, d'actes de vandalisme et de destructions dans des maisons.

Ces témoignages ont été publiés cette semaine dans la lettre d'information de l'académie prémilitaire Yitzhak Rabin de Tivon, dans le nord d'Israël, où avaient été formés des soldats. En février, le directeur de l'académie, Danny Zamir, avait invité d'anciens élèves ayant participé aux combats à Gaza à une discussion informelle sur leur expérience.

«Nous pensions que les soldats allaient nous parler de leurs expériences personnelles pendant la guerre et des leçons qu'ils en avaient tirées, nous ne nous attendions absolument pas à ce que nous avons entendu, a expliqué Zamir. Il s'agit de témoignages très durs sur des tirs injustifiés contre des civils, de destructions de biens qui dénotent une atmosphère dans laquelle on se croit permis d'utiliser la force sans restriction contre les Palestiniens», a-t-il ajouté.

Amertume. Après avoir entendu les soldats, Zamir, un officier supérieur de réserve connu pour ses positions modérées - il avait notamment refusé de servir dans les territoires palestiniens dans les années 90 - en a immédiatement rendu compte au chef d'état-major, Gabi Ashkenazi. Selon les commentateurs, il est probable que les réticences de l'armée à prendre ces témoignages au sérieux aient poussé Zamir à les faire publier dans la lettre d'information de l'académie, puis dans la presse.

Ils ont provoqué de vives réactions dans la classe politique et les médias israéliens, alors que les résultats de l'opération Plomb durci, initialement présentée comme un succès, sont de plus en plus contestés. L'échec récent des négociations indirectes avec le Hamas sur une libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit et la poursuite sporadique des tirs de roquettes entretiennent la déception et l'amertume de l'opinion publique israélienne.

Le ministre de la Défense, Ehud Barak, est monté au créneau jeudi, peu de temps après la publication des témoignages des soldats : « L'armée israélienne est la plus morale du monde, et je sais de quoi je parle car je sais ce qui s'est passé en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak . Bien sûr, il peut y avoir des exceptions, et tout ce qui a pu être dit va être vérifié.»

De leur côté, les députés arabes israéliens à la Knesset, Ahmed Tibi et Mohammed Barakeh, ont déclaré que les témoignages des soldats étaient la «preuve qu'Israël avait commis des crimes de guerre à Gaza.»