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«Il n’y a aucune transparence sur le drame du Sichuan»

   
Libération, le 5 mai 2009

Ai Weiwei, 52 ans, est un artiste et designer chinois exposé dans le monde entier. A l'approche de l'anniversaire du tremblement de terre du Sichuan du 12 mai 2008, il dénonce le scandale des écoles mal construites et critique le régime qui cherche à l'étouffer.

Pourquoi se mobiliser sur ce problème aujourd'hui ?

Il y a un an, j'ai été très choqué en voyant les ruines des écoles, alors que les autres bâtiments avaient tenu le coup tout autour. Le gouvernement avait promis des enquêtes, mais aucune information n'a jamais été publiée. Ni le nombre d'enfants victimes ni pourquoi ils sont morts. La seule chose qui est dite, c'est que la qualité des bâtiments n'a rien à voir avec leur effondrement. Aucune transparence dans un drame comme celui-là, cela signifie que la corruption n'est pas punie et qu'elle va se poursuivre. C'est inadmissible, j'ai décidé de faire le travail que le gouvernement ne veut pas faire. Depuis trois mois, une cinquantaine de volontaires sont sur le terrain et recensent les enfants victimes. Nous en avons déjà dénombré 4 975, le chiffre montera sans doute à 8 000.

Comment cela se passe-t-il concrètement sur le terrain ?

On empêche nos volontaires de travailler : certains sont arrêtés, battus, le résultat de leurs enquêtes est parfois confisqué par les autorités locales. La plupart des parents sont sous pression. Ils sont surveillés, écoutés, détenus parfois. On leur interdit de circuler et de se rencontrer. On a acheté leur silence, en leur donnant de l'argent, ou en leur promettant du travail, une assurance, un logement. Beaucoup n'ont plus rien, ils sont dans une grande détresse. Très peu continuent à se battre pour que la vérité éclate. Ils ne savent pas comment faire, car les médias chinois n'ont pas le droit de parler de ce sujet et les avocats n'ont pas celui de les défendre.

Pourquoi vouloir cacher la réalité ?

Le prétexte invoqué est toujours de maintenir la stabilité et l'harmonie sociale. Les fonctionnaires connaissent la vérité, mais ils fuient leurs responsabilités en sacrifiant l'intérêt général et l'honneur de chaque victime. Ils ont leurs propres intérêts à défendre, qui sont considérables. Ce qui me choque le plus, c'est la construction de musées sur le séisme. Il y aura bientôt à Beichuan un luxueux musée de la propagande, alors que les écoles, qui manquaient de budget, se sont effondrées sur les enfants. En même temps, les parents de la petite Xiaoyuan, morte à 7 ans, se voient retirer l'allocation mensuelle de cinq yuans [50 centimes d'euro, ndlr] qu'ils touchaient pour leur enfant unique.

Qui dirige toutes ces pressions ?

C'est difficile à dire. D'un coté, le Premier ministre, Wen Jiabao, se montre bienveillant et insiste sur la transparence. De l'autre, il y a la réalité… Ce régime est basé sur l'autoprotection. Non pour se mettre au service de tous, mais pour maintenir sa stabilité et lutter contre toute forme de dissidence. C'est une dictature, aucune autre voix n'y est tolérée, aucune autre force ne peut exister. Comme pour les écoles, il y a un problème de construction et de mauvaise qualité. Tout est fait pour maintenir une stabilité de façade.

Le bâtiment du PCC (Parti communiste chinois) est-il solide ?

Dans le contexte de la globalisation, il ne sera plus possible de tout cacher. Internet est un outil puissant. Chaque jour, des millions de gens discutent de sujets de société, beaucoup sont prêts à prendre des responsabilités pour trouver une issue aux problèmes de notre pays, et de plus en plus vont réclamer la vérité sur des drames comme celui lié au séisme. Le régime est obligé d'accepter la construction de nouveaux courants de pensée. Sinon, il s'effondrera comme les écoles doufuzha [de mauvaise qualité] du Sichuan.