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Tunisie : le parquet renonce aux poursuites contre une femme violée

AFP, le 3 décembre 2012

Le parquet tunisien a décidé de ne pas s'opposer au non-lieu prononcé en faveur d'une femme violée par des policiers, renonçant à la poursuivre pour atteinte à la pudeur, a indiqué lundi le ministère de la Justice.

"Le parquet n'a pas fait appel ni du non lieu concernant la femme et son ami ni de la décision d'inculper" les trois policiers, a indiqué Fadhel Saihi, conseiller du ministre de la Justice.

Cette décision a été annoncée non sans confusion, Maître Bochra Belhaj Hmida, l'avocate de la victime, ayant dans un premier temps été informée que le procureur avait fait appel du non lieu.

Un porte-parole du ministère de la Justice avait confirmé l'information à l'AFP. Ni le ministère de la Justice, ni l'avocate n'étaient en mesure en fin de journée d'expliquer ce cafouillage.

"J'aurai accès au dossier demain" mardi, a indiqué Maître Belhaj Hmida.

Une source au sein du tribunal de première instance de Tunis, qui traite l'affaire a indiqué à l'AFP ne "pas comprendre ce va et vient".

"Il (le parquet) a voulu faire appel, mais finalement il ne l'a pas fait", a dit cette source qui a accès au dossier, sans pouvoir expliquer les raisons du revirement.

La semaine dernière le juge d'instruction du tribunal avait décidé de classer sans suite la demande du parquet de poursuivre la victime du viol et son fiancé pour "atteinte à la pudeur", un délit passible de six mois de prison ferme.

Les déboires judiciaires de cette jeune femme de 27 ans ont fait scandale en Tunisie et à l'étranger, nombre d'acteurs politiques et sociaux estimant que cette procédure transformait une victime en accusée.

Les policiers, accusés du viol, affirment avoir surpris la jeune femme et son fiancé en train d'avoir des relations sexuelles dans une voiture, en banlieue de Tunis, ce qui justifierait selon le parquet des poursuites pour atteinte à la pudeur contre le couple.

Deux agents ont violé ensuite leur victime à tour de rôle, tandis qu'un troisième policier conduisait le petit ami de la jeune femme jusqu'à un distributeur de billets pour lui extorquer de l'argent.

Les trois agents sont incarcérés: deux sont poursuivis pour viol et le troisième pour extorsion.

Très critiqué sur ce dossier, le gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda, tout en condamnant le viol, a toujours souligné que la justice faisait son travail en enquêtant sur les accusations portées à l'encontre de la victime et de son fiancé.

Le ministre de la Justice, Noureddine Bhiri, avait attiré une grande partie de ces critiques en estimant début octobre que l'intérêt porté par les médias étrangers à cette affaire témoignait d'un complot contre le gouvernement.

Les Tunisiennes bénéficient du Code de statut personnel promulgué en 1956 pour instaurer l'égalité des sexes dans certains domaines, une situation unique dans le monde arabe. Elles restent cependant discriminées dans plusieurs cas, en particulier en matière d'héritage.

Les islamistes d'Ennahda avaient déclenché un large mouvement de contestation en août en proposant d'inscrire dans la nouvelle Constitution la "complémentarité" des sexes et non l'égalité, un projet abandonné finalement en septembre après une vaste mobilisation de la société civile.