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Le Maroc choqué après le suicide d'une adolescente forcée d'épouser son violeur

AFP, le 15 mars 2012

Le suicide d'une fille de 16 ans, contrainte d'épouser l'homme qui l'avait violée, a fait l'effet d'un électrochoc au Maroc où se sont multipliés jeudi les appels à la réforme, voire l'abrogation, d'une loi qui fait du viol un simple délit et bénéficie plus au violeur qu'à sa victime.

Fait rare : à cause de l'émotion suscitée, le gouvernement a largement consacré sa réunion hebdomadaire à l'examen de ce drame humain et de société.

"Cette fille a été violée deux fois, la dernière quand elle a été mariée", a déclaré à la presse le porte-parole du gouvernement et ministre de la communication Mustapha El Khelfi.

Amina Al Filali s'est suicidée samedi dans sa ville de Larache, près de Tanger (nord), en absorbant de la mort aux rats, après avoir été contrainte d'épouser l'homme qui l'avait violée quand elle avait 15 ans. En l'épousant, son violeur avait échappé à la prison grâce à un article du code pénal.

"Il faut étudier d'une manière approfondie cette situation avec la possibilité d'aggraver les peines dans le cadre d'une réforme de l'article (475 du code pénal, NDLR). Nous ne pouvons pas ignorer ce drame", a-t-il ajouté.

Aux termes de la loi, le viol est puni de plusieurs années de prison en cas de viol sur des mineurs. A moins que la victime et son agresseur se marient, ce qui le protège de la justice.

Cette affaire est révélatrice des contradictions d'une société à la fois traditionnaliste, et souvent peu éduquée, et son aspiration à la modernité, comme en atteste la nouvelle constitution adoptée en juillet qui prévoit l'égalité des sexes et banit "toute discrimination".

Ce viol aurait été classé comme "ordinaire" au Maroc - pays où ce type d'agressions est coutumier, mais où les statistiques sont absentes - s'il n'avait pas été suivi par le suicide de la jeune fille. L'écho suscité a obligé les responsables à prendre position.

La ministre de la solidarité, de la femme et de famille Bassima Hakkaoui - unique femme membre du gouvernement de l'islamiste Abdelrahman Benkirane - a reconnu un "vrai problème" et préconisé un "débat pour réformer cette loi", sur la chaîne de télévision publique 2M.

"C'est un cri de la société" a lancé une ex ministre, Mme Nouzha Skalli, qui occupait le même poste dans le gouvernement précédent.

Les deux femmes s'exprimaient sur la chaîne publique qui, fait rare, y consacrait jeudi la quasi totalité de son journal de la mi-journée.

Réformer le code pénal

"La loi considère la mineure violée comme une criminelle bien qu'elle soit victime de la violence", a dit Mme Skalli, regrettant "l'absence de protection en faveur des mineurs".

"Il faut réformer le code pénal afin de l'adapter à la nouvelle constitution qui interdit la violence contre les femmes et assure l'égalité des sexes", a-t-elle ajouté.

Le drame a provoqué une vaste mobilisation sur la blogosphère et dans les médias. Une pétition pour l'abrogation de "l'article criminel" et intitulé "Nous sommes tous Amina Al Filali" a été mis en ligne sur Facebook.

"Au delà de l'aspect législatif, c'est une affaire de moeurs, de perception de la femme-objet qui perdure, du manque d'éducation à proprement parler et d'éducation sexuelle notamment", estime le quotidien francophone L'Economiste.

La présidente de la Fédération de la Ligue démocratique pour les droits de la femme, Fouzia Assouli, a indiqué que l'article de loi incriminé défend la "famille, les moeurs mais ne prend pas en compte le droit de la femme en tant que personne".

Dans de nombreuses familles où le poids de la tradition et de la religion est très fort, la perte de la virginité hors du mariage est considéré comme un déshonneur pour la famille. Souvent, des arrangements sont trouvés, avec la contribution de la justice, pour que les filles violées épousent leur agresseur.

Le Maroc n'est pas le seul pays du Maghreb dans cette situation. En Tunisie et en Algérie également, si la victime accepte d'épouser son violeur, celui-ci échappe aux poursuites.



Maroc : les femmes dans la rue pour la réforme d'une loi discriminatoire sur le viol

AFP, le 17 mars 2012

Une semaine jour pour jour après le suicide d'une adolescente contrainte d'épouser son violeur, plusieurs associations féminines marocaines ont organisé samedi un sit-in devant le parlement pour réclamer la réforme d'une loi discriminatoire envers les femmes.

"Nous sommes des Amina", "Halte aux violences contre les femmes", "Abrogez la loi" scandaient les militantes et sympathisantes de ces associations des droits de la femme, rassemblées à l'appel de Woman-Shoufouch, un groupe et réseau social anti-harcèlement.

Les femmes, au nombre de deux cents au début du rassemblement, brandissaient des banderoles réclamant l'abrogation ou la refonte d'un article du code pénal qui punit le violeur d'emprisonnement si la victime est mineure, sauf en cas de mariage.

En cas de mariage, consenti par les parents de la fille violée, l'agresseur n'est plus poursuivi par la justice.

"Amina martyre", "La loi m'a tuer", "Mettons fin au mariage des mineures", pouvait-on lire sur les pancartes tenues par des militantes de plusieurs associations féminines, rassemblées sous la houlette de la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes.

"Amina et les autres, victimes de l'article 475 du code pénal", lisait-on sur une banderole d'Anaruz, mot berbère qui signifie espoir. Anaruz est un mouvement d'écoute des victimes d'agressions sexuelles qui travaille en coordination avec l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM).

"En 2008, le gouvernement avait déposé un projet, qui est resté lettre morte, pour réclamer la refonte du code pénal en vue de mettre fin à la discrimination et à la violence", a indiqué à l'AFP Houda Bouzil, présidente du bureau de Rabat de l'ADFM.

Le suicide le 10 mars d'Amina Al Filali, 16 ans, contrainte d'épouser l'homme qui l'avait violée, a fait l'effet d'un électrochoc au Maroc où se sont multipliés les appels à la réforme d'une loi qui bénéficie le plus souvent davantage au violeur qu'à sa victime.

"Je ne voulais pas aller avec eux chez le juge pour les marier. Mais ma femme m'y a obligé. Elle m'a dit qu'il fallait le faire pour que les gens arrêtent de se moquer de nous, pour faire taire la honte", a déclaré il y a quelques jours à l'AFP le père de la victime, Lahcen Al Filali, présent à un premier sit-in dans la localité de Larach, près de Tanger Nord) d'où la famille est originaire.

"Est-ce qu'on peut imaginer qu'un homme qui force une fille à le suivre avec un couteau et qui la viole peut ensuite vouloir l'épouser?", a-t-il demandé.

Cette affaire est révélatrice des contradictions d'une société à la fois traditionnaliste et aspirant à la modernité, comme en atteste la nouvelle Constitution adoptée en juillet, qui prévoit l'égalité des sexes et bannit "toute discrimination".

Ce drame continue de susciter diverses réactions dans le pays, y compris au sein du gouvernement qui a promis un réexamen de la loi.

"C'est la loi, une règle sociale absurde, grotesque, que celle qui veut remédier à un mal, le viol, par un autre encore plus répugnant, les épousailles avec le violeur (...) Qui punissons-nous au final, la victime ou son bourreau?", écrit le journal Al Sabah (Le matin, indépendant) dans un long éditorial.

Un article du code de la famille prévoit que la décision du juge autorisant le mariage d'un mineur - comme cela a été le cas dans cette affaire - n'est susceptible d'aucun recours.

L'époux de l'adolescente a été entendu par la police, après le suicide de sa femme qui a absorbé de la mort aux rats, et laissé en liberté.