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Les candidates courent des risques aux élections afghanes

Reuters, le 8 septembre 2010


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Nima Suratgar avait à peine inscrit son nom sur une liste de candidat(e)s aux élections législatives afghanes du 18 septembre, que le premier d'une longue série de courriers électroniques insultants et menaçants arrivait dans sa boîte aux lettres.

Intitulé "La célèbre prostituée afghane se présente au parlement", ce courriel anonyme - également adressé à des médias et à des responsables électoraux - renfermait quatre pages de propos agressifs et brutaux sur la vie privée de Suratgar. Son auteur exhortait les électeurs à ne pas voter pour elle.

Pour cette enseignante de Kaboul âgée de 39 ans, ce n'était qu'un début. "Je reçois maintenant chaque jour des emails et des appels téléphoniques d'hommes qui menacent de me tuer si je ne renonce pas à briguer un siège au parlement", a-t-elle déclaré de son modeste bureau de campagne dans la capitale.

Ces menaces mettent en évidence la faible emprise qu'ont les femmes sur leurs droits chèrement acquis, notamment les droits de vote et de scolarisation, depuis l'éviction des taliban de Kaboul en 2001. Les projets de réconciliation avec les miliciens islamistes en soulignent encore la fragilité.

Suratgar n'est pas seule et, selon des observateurs électoraux, son cas illustre une forte tendance à dissuader les femmes de se porter candidates, de la part des insurgés comme des milieux conservateurs musulmans.

Les candidats hommes ne sont certes pas à l'abri des risques : quatre d'entre eux et une quinzaine de membres d'équipes de campagne ont été assassinés. Mais la Fondation de l'Afghanistan pour des élections libres et équitables (Fefa), principal groupe d'observateurs civils du pays, a noté le mois dernier que les femmes couraient des risques spécifiques.

LIBERTÉS RESTREINTES

Selon un rapport de la Fefa, neuf menaces sur dix recensées par des observateurs contre des candidats aux élections concernent des femmes. L'une d'elles a dû renoncer à faire campagne dans une province rurale du centre de l'Afghanistan et se rabattre sur Kaboul après avoir été menacée de mort.

Le 29 août, 29 hommes armés ont tué cinq militants en campagne pour la candidate Fawzia Gilani à Herat, dans l'ouest du pays. On ignore si ces crimes étaient le fait d'insurgés ou d'adversaires politiques.

Mais pour la plupart des femmes qui cherchent à obtenir un siège parlementaire, les menaces sont plus subtiles.

La société profondément conservatrice de l'Afghanistan rend beaucoup plus difficile aux femmes de réussir une carrière, note Robina Jelali, ex-athlète olympique de 25 ans aujourd'hui à la tête d'une organisation caritative féminine à Kaboul.

"Les femmes n'ont pas les mêmes possibilités que les hommes. Il nous est impossible d'aller dans la plupart des endroits, surtout le soir. Les hommes peuvent aller où ils veulent, quand ils le veulent", déclare-t-elle.

Robina Jelali n'a pas reçu de menaces de mort, mais en se déplaçant dans le cadre de la campagne elle voit chaque jour ses affiches déchirées ou maculées de peinture rouge, ce dont se plaignent la plupart des candidates. "Ils font cela parce que je suis une femme et que je suis jeune", dit-elle.

Eduquées, professionnellement actives et affichant leur franc-parler, Suratgar et Jelali - comme la plupart des 406 candidates aux législatives - incarnent tout ce qu'une femme ne doit pas être, non seulement aux yeux des taliban mais aussi d'une très grande partie de la société patriarcale afghane.

La Constitution du pays stipule qu'un quart des sièges - 68 sur 249 - de la Wolesi Jirga (chambre basse du parlement) est réservé à des femmes.